Le 18 avril, le Conseil de sécurité de l’ONU a refusé l’admission de la Palestine comme État membre de plein droit à l’ONU en raison du veto des États-Unis. Il suffit de relever qu’en qualité d’État observateur permanent, comme le Saint-Siège, la Palestine participe à toutes les procédures de l’organisation, à l’exception du vote sur les projets de résolution et de décision dans les organes principaux – notamment le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ainsi que ses six commissions et autres institutions.
Le 8 avril, à la suite d’une demande écrite envoyée par M. Riyad Mansour, le Représentant permanent de l’Autorité palestinienne auprès de l’ONU, le Conseil de sécurité s’est réuni pour examiner la candidature de l’État observateur de Palestine à une adhésion à part entière à l’organisation mondiale. Il a décidé alors de soumettre cette candidature au comité spécialisé mis en place pour examiner les nouveaux membres. Ce Comité d’admission, organe subsidiaire du Conseil de sécurité, s’est réuni pour examiner la candidature ; ses réunions se tiennent à huis clos, sauf décision contraire de celui-là. Il a considéré que la demande formulée antérieurement, le 23 septembre 2011, par l’Autorité palestinienne devait être réexaminée.
En effet, à la suite de cet examen préliminaire, la demande d’adhésion à l’ONU est examinée par le Conseil de sécurité, qui la transmet ensuite à l’Assemblée générale, composée des 193 membres, afin qu’elle adopte une résolution sur l’admission définitive du nouvel État membre. Formellement, il revient au Conseil de sécurité de décider si, à son avis, le candidat remplit les conditions formulées par la Charte des Nations Unies et, en conséquence, s’il doit recommander l’adhésion de l’État candidat. Si la décision est favorable, la recommandation est transmise à l’Assemblée générale avec un compte rendu complet des délibérations. Si le Conseil de sécurité ne recommande pas l’adhésion de l’État candidat ou reporte l’examen de la demande, il soumet un rapport spécial accompagné d’un compte rendu des discussions à l’Assemblée générale.
En l’espèce, aux termes d’un projet de résolution présenté par l’Algérie, le Conseil de sécurité devait recommander à l’Assemblée générale des Nations Unies « d’admettre l’État de Palestine à l’Organisation des Nations Unies ». Pour l’Algérie, il s’agissait de réparer une « injustice historique » faite au peuple palestinien. Toutefois, il importe de rappeler que pour être adoptée, une résolution doit recueillir au moins 9 voix favorables et encore faut-il qu’aucun membre permanent du Conseil ne vote contre (veto). Or le projet de résolution algérien a réuni 12 voix pour, 1 voix contre (États-Unis) et 2 abstentions (Royaume-Uni et Suisse). La candidature de la Palestine à l’adhésion plénière a donc été rejetée. Lors de la discussion, des explications ont été données de part et d’autre.
Selon l’article 4 de la Charte, peuvent devenir membres des Nations Unies, tous autres États pacifiques qui acceptent les obligations de la Charte et, « au jugement de l’organisation sont capables de les remplir et disposés à le faire ». Or il n’y a pas eu d’unanimité au sein du Comité d’admission quant aux critères pour obtenir le statut d’État. Au Conseil de sécurité, Robert Wood, le représentant permanent adjoint des États-Unis a expliqué que son gouvernement soutient la reconnaissance du statut d’État de la Palestine dans le cadre d’un accord de paix global qui réglerait de façon permanente le conflit israélo-palestinien : « il n’y a pas d’autre moyen de garantir la sécurité d’Israël à l’avenir, la dignité du peuple palestinien ou encore de favoriser l’intégration régionale entre Israël et ses voisins ». Des questions demeurent quant à la capacité de la Palestine de répondre aux critères qui permettraient de la considérer comme un État. Ainsi, a-t-il déclaré : «Le Hamas a élargi son pouvoir et son influence, ce qui contrevient à ces critères, c’est pourquoi les Etats-Unis ont voté non… nous demandons depuis longtemps à l’Autorité palestinienne d’entreprendre les réformes nécessaires pour contribuer à établir les qualités nécessaires à la création d’un État et notons que le Hamas, une organisation terroriste, exerce actuellement pouvoir et influence à Gaza – une partie intégrante de l’État envisagé dans cette résolution ».
Pour ces raisons que les États-Unis ont voté « non », mais il n’en demeure pas moins qu’ils continuent à soutenir fermement une solution à deux États. « Ce vote ne reflète pas une opposition à la création d’un État palestinien, mais plutôt la reconnaissance du fait qu’il ne viendra que de négociations directes entre les parties », a-t-il conclu.
Pour l’Algérie, ce rejet est une « honte éternelle ».
Pour les États membres du Conseil de sécurité favorables à l’admission, c’est une déception.
Il y a lieu de rappeler que 139 États reconnaissent l’État palestinien sur les 193 membres de l’ONU, principalement les États d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie, les États issus de l’ancienne URSS et de « l’Europe de l’Est ». En revanche, les États d’Europe occidentale se bornent à des relations diplomatiques avec l’Autorité palestinienne, même si une certaine évolution se fait jour : ainsi quelques pays européens, comme la Suède, l’Islande et le Vatican ont reconnu formellement l’État palestinien.
Israël a protesté :« Les ambassadeurs de France, du Japon, de la Corée du Sud, de Malte, de la République slovaque et de l’Équateur seront convoqués demain (21 avril) et une vive protestation leur sera exprimée », a indiqué le ministère israélien des affaires étrangères. « Un geste politique aux Palestiniens et un appel à reconnaître un État palestinien – six mois après le massacre du 7 octobre– est une prime au terrorisme », a-t-il fait savoir.
Le Royaume-Uni a expliqué que la reconnaissance de l’État de Palestine ne doit intervenir ni à la fin ni au début d’un processus : « Il faut d’abord régler la crise à Gaza et s’assurer que le Hamas n’y gouverne plus et ne soit plus en mesure de lancer des attaques. » Telle est aussi la position de la Suisse qui s’est abstenue, estimant qu’à l’heure actuelle, une telle étape n’est pas propice à la détente et à une solution pacifique au vu de la grande instabilité qui persiste sur le terrain.
Encore et toujours, c’est du côté de Gaza que le regard des diplomates est tourné pour l’espoir d’une paix durable.
Jean-Yves de Cara
Professeur émérite à la Faculté de droit Sorbonne Paris Cité
Avocat au barreau de Paris