La situation dans la bande de Gaza est dramatique depuis de trop longs mois, tant les bombardements quotidiens de l’armée israélienne, qui touchent essentiellement les civils, viennent meurtrir toujours plus une population et un peuple qui ne cessent de revendiquer leur droit à un État sûr dans des frontières garanties, comme cela doit être également le cas pour Israël.
L’expansionnisme territorial de l’État hébreu, au mépris des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, rétrécit toujours plus le territoire dévolu aux Palestiniens. Le but étant sans doute pour certains extrémistes de venir in fine soutenir qu’il n’y a plus lieu à État pour le peuple de Palestine faute de territoire.
Beaucoup tentent de présenter la réaction d’Israël comme une simple réponse à l’action du 7 octobre du Hamas (que d’aucuns considèrent comme potentiellement instrumentalisé par des intérêts extérieurs à la défense de la cause palestinienne, tout au moins pour une partie de ses branches, mais seuls les historiens pourront nous dire dans quelque temps ce qu’il en était).
Mais cela ne peut que relever d’une approche par trop simpliste, car cette « attaque » doit être replacée dans un contexte général dans lequel le comportement d’Israël a pu pousser à l’exacerbation des passions, par notamment l’expansion territoriale précitée.
Bien sûr toute violence est condamnable en soi, et la vie humaine que l’on supprime est un drame absolu, qu’elle soit palestinienne ou israélienne. À cette aune, on peut noter que la « riposte » de l’État hébreu aux actions du 7 octobre apparaît, pour nombre d’observateurs, comme disproportionnée, notamment par son intensité et son caractère continu depuis lors. On peut également se poser la question de savoir dans quelle mesure une violence peut en justifier une autre.
Le débat sur ces aspects est présent au sein même de la société israélienne qui n’est pas monolithique, lequel fait apparaître un certain nombre de critiques à l’égard d’un gouvernement qui est considéré comme entraînant le pays dans une spirale extrémiste nuisible au bien commun.
Le monde arabo-musulman est en grand émoi devant ces images de bombardements touchant principalement des civils, des femmes et des enfants, que l’on considère unanimement comme devant être protégés de la violence guerrière.
Bien évidemment les diplomaties arabes sont à la manœuvre pour tenter de parvenir à un arrêt de ces opérations de représailles, mais cela se heurte à une fin de non-recevoir du gouvernement Netanyahu, que même les États-Unis, pourtant alliés indéfectibles d’Israël, commencent à considérer comme persistant dans une position qui ne sera plus longtemps tenable.
Cette situation complexe permet de souligner le succès de la diplomatie marocaine et du Roi Mohammed VI qui est parvenu à apporter une aide humanitaire conséquence (plus de quarante tonnes de denrées alimentaires) directement à la population de Gaza.
Cela a été annoncé par le Royaume le premier jour du Ramadan, comme un espoir d’une paix prochaine.
Des avions Hercules C-130 sont donc partis du Maroc avec leur précieuse cargaison pour atterrir à Tel-Aviv, où un convoi de camions s’est ensuite dirigé vers le sud de la bande de Gaza, d’où le Croissant rouge palestinien a pris le relais pour la distribution sur place. La ville d’Al-Qod’s (Jérusalem) n’a pas été oubliée, et une partie des denrées y a été déposée, avec l’envoi d’une salle de coordination des urgences pour l’hôpital de la Ville sainte.
Tout cela peut paraître simple mais, compte tenu du contexte que l’on vient de décrire, a relevé en réalité de la plus grande difficulté. Il a fallu toute la ténacité du Roi Mohammed VI, et son adresse diplomatique, pour que l’on puisse parvenir à ce résultat auquel le monarque tenait particulièrement en sa qualité de Président du Comité Al Qod’s.
Une telle opération a été possible en raison de la diplomatie d’équilibre conduite par le Roi et qui a donné lieu, notamment, aux Accords d’Abraham, sous l’égide des États-Unis, qui ont permis une reconnaissance de la marocanité du Sahara par le président Donald TRUMP et ouvert une nouvelle étape dans les relations entre le Royaume et Israël. Tout cela s’inscrit d’ailleurs dans la longue histoire du Maroc avec le peuple juif, à l’égard duquel on rappellera l’attitude de protection du Roi Mohammed V qui refusa de livrer les juifs marocains au régime de Vichy car, pour lui, ils étaient marocains, et un Etat ne livre pas ses ressortissants.
D’aucuns ont pu critiquer ce qu’ils ont considéré comme une trahison des intérêts palestiniens. Mais, comme l’a indiqué une source diplomatique marocaine citée par le magazine TEL QUEL, « le Maroc a toujours dit que sa relation avec Israël était destinée à servir la paix dans la région et les intérêts des Palestiniens ».
Une des preuves vient d’en être ainsi donnée, à laquelle s’ajoute, parmi d’autres, celle constituée par la présentation par le gouvernement marocain d’observations à la CIJ aux termes desquelles il considère que « la mise en oeuvre d’une solution juste, globale et durable au Proche Orient est fondée sur le principe des deux Etats : un Etat Palestinien indépendant sur la base des frontières du 4 juin 1967, avec Al-Qods/Jerusalem-Est comme capitale, vivant cote-à-cote avec l’Etat d’Israel, dans la paix et la sécurite et ce, conformément à la légalité internationale, aux résolutions de l’Organisation des Nations Unies, et dans le prolongement de l’Initiative arabe de paix » (affaire relative aux conséquences juridiques des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-est, requête pendante pour avis consultatif).
Tout cela allié au fait que le Maroc a connu de vastes manifestations populaires en faveur de la Palestine.
Cet ensemble atteste, si besoin était, le fait que le Roi Mohammed VI est en osmose complète avec son peuple, ce qui n’est pas le cas pour nombre de chefs d’Etats ailleurs dans le monde…
On le voit la réalité dément clairement toutes les allégations visant à présenter le Maroc et son Roi comme abandonnant la défense des intérêts des Palestiniens au profit de la relation avec Israël. Ces critiques illustrent surtout le fait que beaucoup confondent – particulièrement en « Occident », tardant à comprendre que le centre du monde se déplace vers le sud et l’Asie – diplomatie et verbiages moralisateurs. Le déclassement de nombreux pays s’explique notamment par cette approche. Laquelle leur fait oublier en effet que les relations internationales ne sont pas fondées sur les « valeurs » et autres billevesées du même ordre, mais sur les intérêts bien compris des États qui sont fondés à les défendre. Dès lors la pertinence du comportement d’un Etat ne peut s’apprécier qu’au regard de ce qu’il apporte de favorable au pays et à son peuple. Le reste ne relève que d’un déni du monde réel, attitude qui n’a jamais mené qu’à des désastres.
Jean-François Poli
Avocat à la Cour – Doyen honoraire de la Faculté de droit de Corse
Institut Méditerrannéen de Droit et de Géopolitique