Selon l’Associated Press, l’ambassadeur Victoria Nuland, troisième dans la hiérarchie diplomatique américaine, quitte le gouvernement des États-Unis. Son départ est présenté comme une démission, mais il marque peut-être une inclination de la diplomatie de cet État sur la situation en Ukraine. En effet, Madame Nuland est présentée comme « l’architecte du coup d’État de 2014 » à Kiev ; alors, ses interventions avaient même provoqué, au moins pour leur forme, des protestations de la Chancelière allemande Merkel et de M. Van Rompuy président du Conseil européen. Puis, Victoria Nuland a inspiré les décisions américaines face à l’opération militaire spéciale de la Russie depuis février 2022, comme l’a évoqué le secrétaire d’État Antony Blinken à l’occasion de son départ. Plus généralement, il importe de relever qu’elle a contribué à élaborer la politique étrangère des États-Unis sous six présidents et dix secrétaires d’État.
Diplomate de carrière, Victoria Nuland a été secrétaire d’État assistante pour l’Europe sous l’administration Obama, position jusqu’à la présidence de Donald Trump puis elle est revenue à l’administration centrale sous le Président Biden comme sous-secrétaire d’État aux affaires politiques. Contrairement à son attente, elle n’a pas été retenue comme secrétaire d’État adjointe, poste qu’elle convoitait et pourvu par Kurt Campbell le 12 février dernier, dont la carrière était plutôt orientée, jusqu’à présent, vers l’Asie et le Pacifique.
Surtout, Victoria Nuland a été en poste à Moscou dans les années 90, notamment lors du coup d’État avorté contre le Président Boris Yeltsin. Formée à la littérature russe, à l’histoire et aux sciences politiques elle n’est pas assurément de la classe de Georges Kennan, fin observateur de la Russie soviétique. Elle fut ambassadeur auprès de l’OTAN avant d’être nommée porte-parole du département d’État alors dirigé par Hillary Clinton pendant le premier mandat de Barack Obama. Durant cette période elle a particulièrement irrité les autorités russes par sa défense de l’Ukraine notamment au moment du retour de la Crimée à la Russie en 2014.
À cet égard, selon l’Associated Press, John Kerry, secrétaire d’État qui a remplacé Hillary Clinton en 2013 pour le second mandat d’Obama, a rappelé à plusieurs reprises que lorsque « Mme Nu land a quitté le poste de porte-parole pendant son mandat pour devenir le principal diplomate pour l’Europe, le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov l’a félicité de s’être « débarrassé de cette femme ». M. Kerry a répondu à M. Lavrov qu’il ne s’était pas débarrassé d’elle, mais qu’il l’avait promue ».
Son départ a été salué par le Ministère russe des affaires étrangères qui l’a présenté comme la reconnaissance de l’échec de la diplomatie américaine envers la Russie. La porte-parole du ministère russe, Mme Maria Zakharova, a ainsi déclaré : « ils ne vous en diront pas la raison mais elle est simple : l’échec de la politique antirusse de l’administration Biden. La russophobie, proposée par Victoria Nuland comme principal concept de politique étrangère des États-Unis, entraîne les démocrates vers le fond comme une pierre ».
Madame Nuland est remplacée temporairement par l’ambassadeur John Bass qui fut en poste en Afghanistan lors du retrait américain, en attendant la nomination probable de Julianne Smith, actuelle ambassadeur américain auprès de l’OTAN. (Source : AP, Matthew Lee, 5 mars 2024 ; US Dept of State, Antony Blinken, Press statement 5 March 2024).
JYC