Dans un entretien remarqué, l’ambassadeur de France au Maroc M. Lecourtier a déclaré, le 16 février, qu’« il serait totalement illusoire, irrespectueux et stupide de considérer qu’on va construire ce que j’espère qu’on arrivera à construire, brique après brique, pour le bonheur de nos deux nations et quelques autres voisins, sans clarifier ce sujet (position de la France sur le Sahara marocain), dont tout le monde à Paris connaît et reconnaît le caractère essentiel pour le Royaume, hier, aujourd’hui et demain. » Il a ajouté : « Comment voulez-vous qu’on puisse prétendre avoir ces ambitions sans prendre en compte les préoccupations majeures du Royaume sur la question ».
Les propos sont encourageants dans la perspective de la visite du ministre de l’Europe et des affaires étrangères français, M. Stéphane Séjourné, à Rabat le 25 février. Cependant on ne pouvait penser que le diplomate se soit exprimé sans instruction sur un sujet aussi important. Or devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le ministre avait exprimé, le 14 février, la volonté de la France de renouer la relation de confiance traditionnelle entre les deux États : « La volonté est là. J’ai repris le lien avec le Maroc. Il y avait des incompréhensions qui ont amené à une difficulté. Notre lien avec le Maroc est très important et il est même essentiel ».
« Le Président de la République m’a demandé personnellement de m’investir dans la relation franco-marocaine et d’écrire aussi un nouveau chapitre de notre relation. Je vais m’y attacher ».
Il importe de rappeler que la France vote régulièrement les résolutions du Conseil de sécurité relatives au Sahara marocain lors des sessions annuelles consacrées à ce dossier. En particulier, cela démontre qu’elle approuve depuis 2007 l’initiative d’autonomie proposée par SM le Roi Mohammed VI saluée par les Nations Unies comme « sérieuse et crédible pour le règlement définitif » de ce différend régional dans le cadre de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Royaume.
Il y a lieu de rappeler que dès 1963, le Maroc demanda l’inscription de la question du Sahara espagnol, comme il était alors désigné, à l’agenda du Comité spécial de la décolonisation, pour récupérer définitivement ses provinces du sud. Cette demande a été accueillie dès octobre 1964, par le comité spécial de la décolonisation (C-24), suivi par l’Assemblée générale, qui, en décembre 1965, demanda à l’Espagne de prendre des mesures immédiates pour la décolonisation du « Sahara espagnol » et du territoire d’Ifni, par le biais d’un accord négocié avec le Maroc.
Ainsi que le représentant du Maroc à l’ONU, S.E. M. Omar Hillale, le rappelait en octobre 2023, « grâce à la négociation préconisée par les résolutions adoptées alors par l’organisation mondiale, Ifni a réintégré la Mère-Patrie en 1969 alors que la décolonisation du Sahara s’est achevée en 1975, avec le retour mémorable de ce territoire à la Mère-Patrie, le Maroc, et ce, grâce à l’historique Marche verte du 6 novembre 1975 et l’accord de Madrid du 14 novembre de la même année ». Cet accord, comme le relevait l’ambassadeur du Maroc, a été déposé auprès du Secrétaire général, puis entériné par l’Assemblée générale dans sa résolution 3458B du 10 décembre 1975.
M. Hilale a fait observer que « l’Histoire onusienne du Sahara marocain aurait pu s’arrêter là. Mais c’était compter sans l’action pernicieuse de l’Algérie qui a créé, hébergé, armé et financé le groupe séparatiste armé « polisario » ». Les mensonges et manipulations des dirigeants de cet État n’ont pas seulement envenimé le contentieux artificiel du Sahara, pour le malheur des « réfugiés » des camps de Tindouf ; ils ont aussi affecté les relations d’amitié de la France avec le Royaume, en trouvant parfois une attention excessive auprès de certains dirigeants français. Il faut donc espérer que le réalisme l’emportera et que la volonté exprimée récemment par les autorités françaises soit suivie d’effet.
Jean-Yves de Cara – Institut Méditerranéen de Droit et de Géopolitique