Les positions françaises en Afrique ont subi, depuis quelques années, les soubresauts d’une politique étrangère erratique qui caractérise une absence de vision et de cohérence.
Alors que de nombreux pays sont imprégnés de l’idée de défense de leurs intérêts nationaux et stratégiques, la France semble, quant à elle, mue par des considérations tenant de la posture et de la simple communication. Il s’ensuit, souvent, des déclarations grandiloquentes appelant au respect des droits de l’homme et de la démocratie, appliquées à des pays qui n’ont pas forcément, et c’est leur droit le plus absolu, les mêmes approches et conceptions sur ces thèmes. Le décalage avec le réel est donc certain, ce qui est pour le moins peu efficace pour asseoir notre place dans ce qu’il était jadis convenu d’appeler le concert des nations. Et cela d’autant plus que notre aura n’est plus celle d’antan et que la France a vu son « rang » de puissance moyenne être de moins en moins reconnu. Le déclin de notre influence est le fruit de décennies de renoncement, par le fait de douter de nous-mêmes, ou plutôt par le fait que nos élites n’ont plus considéré qu’il était de l’intérêt national de défendre une position de singularité et de non-alignement. C’est la soumission aux idéologies du relativisme et de la repentance qui ont conduit à l’état actuel, idéologies promues par ceux qui ont toujours voulu nous soumettre et qui sont en passe d’y parvenir.
Pour ceux-là, les pays ayant une histoire, un passé, sont une aubaine car cela est propice à la déconstruction et aux attaques fondées sur une vision des temps passés à l’aune du temps présent.
Le passé colonial de la France, dont le bilan dépassionné reste à faire, a été le moyen utilisé par ceux qui nous détestent, et que le Général de Gaulle avait parfaitement percés à jour, pour entreprendre leur travail de sape.
Pour ceux-là, les actions passées de notre pays en terre d’Afrique étaient ainsi nécessairement et totalement néfastes et justifiaient que l’on nous soumette à l’expiation se traduisant, notamment, par la nécessité de quitter ces territoires pour espérer, un jour, obtenir le pardon des peuples qui y sont présents. Bien évidemment, il ne s’agit en réalité que de nous chasser pour occuper le vide laissé par notre absence.
Il n’y a là finalement qu’un jeu normal entre nations, même si la morale peut le réprouver, mais la réalité géopolitique se rit de la morale.
Ce qui est le plus pénible à constater est, par contre, le fait que ceux qui sont en charge de l’intérêt national sont en réalité des ennemis de l’intérieur qui concourent à l’action de ces puissances étrangères ou, au mieux, ne font que peu de choses pour y résister. Il y a souvent un assentiment au déclin, une négation de poursuivre un objectif de sauvegarde de la grandeur de notre pays.
Et cela prend le chemin d’abandon de tous les outils qui faisaient notre influence et notre rayonnement, par une diminution des moyens alloués aux Alliances françaises dans le monde, par un désengagement dans les établissements d’enseignements à l’étranger, par une diminution du nombre de bourses allouées aux étudiants étrangers, notamment africains.
Tout cela a contribué à envoyer le signal d’un pays qui ne croit plus en lui-même. Comment alors susciter chez les autres une admiration ?
Dans le même mouvement malheureux, on s’est attaqué aux compétences dont nous disposions par notre corps diplomatique, avec des personnels qui connaissaient le terrain et qui étaient en mesure d’apporter les informations pertinentes et justes à ceux en charge de la prise des décisions. Notre ministère des Affaires étrangères a été ainsi privé d’une grande part de ses ressources et désorganisé, ce qui nuit nécessairement à l’efficacité de son action. Ainsi ont été mis en extinctions progressives deux corps d’encadrement supérieur du ministère, celui des conseillers des affaires étrangères, et celui des ministres plénipotentiaires. C’est ainsi toute une mémoire qui va disparaître et qui va nous trouver privés de moyens essentiels à la conduite d’une politique étrangère souveraine.
Pour notre relation avec l’Afrique, qui a le français en partage avec nous, les dégâts sont et seront considérables. Avec la disparition progressive, qui ne date pas d’aujourd’hui d’ailleurs, d’une connaissance fine des équilibres et des forces en présence, et même de la simple géographie, nous commettons des erreurs de débutants. Lesquelles s’ajoutent à la suffisance dont font montre certains de ceux qui ont pour charge de nous représenter en terres étrangères. La nature ayant horreur du vide, d’autres ont su en profiter et occuper la place que nous laissons, ce pour quoi ils ont d’ailleurs habilement manœuvré. On note que dans le dernier épisode de nos déboires, à savoir le rejet massif que nous subissons au Niger, la France est le seul pays à susciter autant de haine. La situation au Gabon semble prendre un chemin qui n’est guère favorable à notre pays.
Les Américains qui, pourtant, ne sont pas en capacité de donner à quiconque des leçons dans le domaine du respect de la souveraineté des autres pays, ne font pas l’objet du même rejet. Sont-ils à la manœuvre ? On peut légitimement s’interroger.
Cela illustre aussi le fait que notre comportement a dû être particulièrement maladroit pour que nous en arrivions à cette situation, sauf à considérer, ce à quoi nous nous refusons, qu’il s’agit de notre part d’une politique avérée de désengagement.
Tout cela illustre notre déclin, comme au temps de « L’étrange défaite », sur le plan interne, comme sur la scène internationale et s’explique sans doute par le fait que le souci de la défense de la souveraineté et des intérêts nationaux n’est plus un objectif prioritaire de nos élites. Tout simplement parce qu’elles n’ont plus le sentiment d’une appartenance ?