Madame Naledi Pandor, ministre des Relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud, a annoncé la participation au sommet Brics/Afrique à Johannesburg le 24 août de plusieurs États non-membres et même la candidature de certains d’entre eux, parmi lesquels le Maroc, à l’adhésion à ce groupement d’États.

Cette initiative est inopportune. Pour le Royaume du Maroc, ainsi mis en cause par l’annonce d’une hypothétique candidature, cette initiative n’est pas celle des Brics ni de l’Union africaine mais elle est unilatérale, individuelle, propre à l’Afrique du Sud. Le ministère marocain des Affaires étrangères a aussitôt fait savoir qu’il n’était pas question de répondre positivement à cette invitation ou de participer à la réunion à quelque niveau que ce soit.

Cette initiative est intempestive, elle dénote la légèreté de l’organisation du sommet par l’État hôte car plusieurs pays ont été invités sans considération protocolaire voire sans consultation des autres membres du groupe des Brics. Or ce dernier n’est pas une organisation internationale, il est une conférence diplomatique qui se réunit à raison d’un sommet par an à tour de rôle dans chacun des États membres. L’organisation de ces réunions exigent un certain doigté. L’annonce de la ministre sud-africaine peut apparaître comme une maladresse, comme on en relève parfois dans les relations internationales, ou un détournement regrettable de l’événement à des fins obscures. En matière diplomatique, les approximations ne sont pas de mise.

Traditionnellement, l’Afrique du Sud s’est montrée malveillante envers le Maroc. Depuis des années, les relations entre les deux États sont tendues, inamicales, en particulier l’Afrique du Sud s’en tient à une position hostile, dogmatique sur le dossier du Sahara marocain.

Envers le Maroc, le faux-pas est incontestable. L’Afrique du sud n’est pas autorisée à évoquer les relations du Maroc avec les Brics, sans consultation préalable. En l’absence de démarche formelle de la diplomatie marocaine, la déclaration sud-africaine est donc une ingérence dans les affaires extérieures du Royaume. Si, comme l’affirme le Président sud-africain, M. Cyril Ramaphosa, dans son discours à la nation du 20 août, la politique étrangère de l’Afrique du Sud vise à « promouvoir l’intérêt national du pays fondé sur la protection et la promotion de sa souveraineté nationale », il devrait admettre que dans le concert des nations il en est de même pour les autres États et en particulier le Royaume du Maroc. Ainsi, les relations de cet État avec le groupe des Brics s’inscrivent dans les orientations générales de la diplomatie du Royaume telles que définies par Sa Majesté.

Il est regrettable qu’un État membre des Brics – le plus modeste par sa population, son PIB, sa puissance militaire – utilise le forum à des fins politiques unilatérales ou cherche à créer un précédent.

Dans ces circonstances, l’initiative sud-africaine apparaît comme une manœuvre.

Sans doute désireuse de soutenir la candidature hasardeuse d’un autre État, l’Algérie, la diplomatie sud-africaine n’hésite pas à compromettre le pays rival avec lequel elle entretient des relations dépourvues d’aménité. Tout en annonçant par son Ministre des affaires étrangères la fausse candidature du Maroc au groupe des Brics, l’Afrique du sud, par l’intermédiaire de son Président, affirme que la décision de ne pas s’aligner sur l’une ou l’autre des puissances mondiales ne signifie pas que « nous sommes neutres sur les questions de principe et d’intérêt national ». De fait, la position de non-alignement va de pair avec « le soutien actif aux luttes des opprimés et des marginalisés dans différentes parties du monde » et ajoute-t-il, « c’est pourquoi il continuera à soutenir les luttes des peuples de Palestine et du Sahara occidental ».

De son côté, le Président Abdelmadjid Tebboune, souhaitait hisser l’Algérie au rang des Brics, comme il l’a laissé entendre en 2022 et lors de sa visite en Chine, or les consultations préliminaires ne sont pas favorables et certains membres des Brics y sont ouvertement hostiles. Les considérations économiques le confirment : l’Algérie n’a pas engagé sa diversification économique, son PIB de seulement 163 milliards de dollars US et de 3500 dollars par habitant est faible en comparaison avec d’autres candidats telle l’Argentine (632 milliards dollars US et 13 000 US dollars par habitant en 2022), les considérations géopolitiques pèsent aussi alors qu’inversement d’autres États tels l’Arabie saoudite, les EAU, l’Indonésie ou l’Argentine seraient susceptibles d’être confirmés. Aussi l’annonce inattendue par l’Afrique du sud de la fausse candidature du Maroc, parmi d’autres, constitue un « écran de fumée », destiné à préparer et édulcorer la fin de non-recevoir qui serait opposée à la demande algérienne. Cette manœuvre participe d’une stratégie médiatique propre à la diplomatie publique, à la mise en scène des relations internationales.

Peut-être la Maroc remplira-t-il un jour les conditions d’adhésion au groupe des Brics ; plusieurs facteurs économiques et politiques jouent en sa faveur et il entretient de bonnes relations avec plusieurs membres, dont certains sont parties à un accord de partenariat stratégique avec le Maroc. Il n’en est pas pour autant à ce jour candidat au groupe des Brics. Comme la politique étrangère de Sa Majesté en témoigne, une grande diplomatie suppose une longue patience.

Jean-Yves de Cara