La relation franco-marocaine subit quelques turbulences, qui ne sont sans doute que celles que connaissent tous ceux qui sont liés depuis des temps fort anciens et qui ont toujours maintenu entre eux des liens très forts.
Comme toute relation, qu’elle soit entre individus ou d’États à États, il faut la nourrir et être attentif à la protéger des jeux extérieurs et des tentatives de tous ceux qui ont intérêt à ce qu’elle soit affaiblie.
Depuis quelques mois, on ne peut que constater un certain nombre de signes envoyés depuis la France qui ne peuvent, au mieux, qu’irriter la partie marocaine, tant ils touchent à des points qui revêtent une importance capitale pour le Royaume.
Il en va ainsi de la visite en France, en janvier 2023, du chef d’état-major algérien, Saïd Chengriha (une visite à ce niveau ne s’était pas produite depuis 2006) sur invitation de son homologue français.
On notera que le chef d’état-major français, Thierry Burkhard, avait déjà rencontré son homologue algérien, les 25 et 26 août 2022 à Alger, lors du voyage du Président Macron en Algérie.
On sait l’importance de l’armée en Algérie pour ce qui concerne le contrôle du pays et le pouvoir qu’elle exerce en réalité, les organes « civils » de gouvernement ne constituant qu’un habillage de la réalité d’un pouvoir militaire. Aussi, une telle visite ne pouvait qu’alarmer l’allié traditionnel de la France qu’est le Maroc, par les conséquences qu’il pourrait envisager en termes d’atteintes à sa souveraineté et à son intégrité territoriale.
Le comportement d’Alger à l’égard du Maroc est marqué, en effet, par une montée des tensions, en l’état toujours d’une rupture des relations diplomatiques, présentée d’ailleurs comme un mieux aller par rapport à une déclaration de guerre, selon ce qu’a pu indiquer dans la presse le Président Tebboune. C’est dire que les intentions algériennes sont plutôt belliqueuses et que le Maroc est naturellement enclin à observer attentivement toutes actions, notamment lorsqu’elles peuvent toucher au domaine militaire.
En l’espèce, et en présence d’une augmentation notable du budget militaire algérien qui, en 2023, va atteindre 23 milliards de dollars, ce qui constitue un doublement de celui de l’année antérieure, la venue en France de ce haut responsable militaire interroge.
Y avait-il un motif particulier pour justifier un déplacement à ce niveau ?
Selon le communiqué officiel, le but de la visite était de s’inscrire « dans le cadre du renforcement de la coopération militaire entre l’Armée nationale populaire (ANP) et les Armées françaises », ainsi que « d’examiner les questions d’intérêt commun entre les deux pays ». À l’aune du doublement du budget militaire algérien, déjà mentionné, et du fait que la France est un producteur important d’armement, la question de la fourniture d’armes aux forces armées algériennes si elle peut, en soi, relever des relations ordinaires entre un producteur et un acheteur, peut devenir inquiétante pour le Maroc, compte tenu des intentions manifestement belliqueuses de l’Algérie à son égard. En effet, on sait l’implication de l’Algérie dans le financement et le contrôle du Front Polissario, dont l’objectif est de porter atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc s’agissant de ses Provinces du Sud (Sahara Marocain). Dès lors, on peut nourrir la crainte que des armes puissent être distraites du contingent strictement algérien au profit des séparatistes dudit Polissario, et donc à des fins d’attaques directes contre le Royaume. Aussi, la fourniture d’armement, dans un contexte de tension régionale, peut poser question quant à l’évolution de la relation qu’entend poursuivre la France avec le Maroc. Et cela d’autant plus si on la relie avec la résolution votée par le Parlement européen, le 19 janvier 2023 – en urgence, ce qui n’était pas arrivé depuis vingt-cinq ans – qui entend se mêler des affaires d’un État souverain en alléguant d’atteintes aux droits de l’homme (d’ailleurs nullement démontrées), pour condamner le Maroc. Dans cet épisode, on n’a pu que constater que c’est le groupe au nom bien français de « Renew », présidé par un français proche du Président Macron, qui a été l’origine de cet acte manifestement hostile au Maroc.
Certes, très récemment on a pu constater que les députés européens ont adopté, à une écrasante majorité, une résolution le 11 mai 2023 pour engager le gouvernement algérien à respecter la liberté d’expression, notamment des journalistes, à la suite de la condamnation d’Ihsane EL Kadi (à la tête d’Interface Médias) à 5 ans de prison pour, notamment, atteinte à la sûreté de l’Etat.
Mais, néanmoins, les signaux, faibles ou forts, se sont multipliés pour converger vers la constatation d’une dégradation de la relation franco marocaine en raison d’actions émanant de la partie française.
On note par ailleurs, qu’alors que des visites d’État sont intervenues très récemment en Algérie (avec la venue du Président Macron les 25 et 26 août 2022, puis la venue d’une quinzaine de ministres français fin 2022), le Maroc n’a pas fait l’objet de la même attention puisque seule Catherine Colonna, Ministre des affaires étrangères, s’est rendue en « visite de travail », le 15 décembre 2022, à Rabat, pour y rencontrer son homologue Nasser Bourita.
On ne peut que le constater, un déséquilibre manifeste au profit du partenaire algérien s’est mis en place depuis quelques mois, sans que l’on puisse en expliquer véritablement les raisons, hormis peut être certaines considérations économiques à courte vue tenant à l’achat de gaz algérien dans le contexte de crise énergétique que l’on connaît.
Il faut pourtant garder présent à l’esprit que le Maroc est un vieil allié et ami de la France et que les deux pays ont des intérêts communs fortifiés par leur histoire et leur proximité géographique, qui imposent une ardente obligation de revivifier la relation particulière que chacun avait nourri utilement jusqu’alors.
Jean-François Poli
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